Il y a 12 ans un jeune peintre péruvien débarque en France motivé par l’amour d’ une jolie Française. Il pose ses valises dans une maison à la campagne proche de la ville de Limoges. Il ne parle pas un mot de français et il n’est pas sûr, dans cette nouvelle vie, de pouvoir continuer à s’accrocher à sa grande passion : la peinture.
J’ai connu Mako Moya il y a déjà 6 ans, à l’occasion de mon travail comme correspondante pour un journal péruvien. Parmi mes recherches d’information sur des artistes péruviens installés en France, j’ai trouvé divers articles de presse et reportages de télévision sur cet artiste venu du Pérou et qui avait conquis le cœur de la ville de Limoges.
La curiosité de connaître ce compatriote m’a poussée à prendre contact avec lui et quelques jours après des échanges téléphoniques, je me suis trouvée immergée dans le monde de Mako Mayo. Pendant les deux jours où j’ai pu suivre son parcours, j’ai été témoin d’un grand talent pour exprimer cette nouvelle vie loin de sa terre de naissance et de son puissant intérêt pour échanger avec d’autres artistes dans la région. Après cette rencontre, il a été impossible de ne pas construire une amitié. C’est l’histoire d’un peintre péruvien qui a tout laissé pour recommencer de rien.
Un amour bouleversant
Au Pérou, Mako grandit dans une famille modeste de banlieue est loin d’apprendre un métier qui lui permettra d’avoir une stabilité économique, il décide de se laisser conquérir par l’esprit de peintre. Il nous raconte que c‘est le portrait que fait son père de lui sur une feuille de papier, qui a captivé son esprit. « A mes 8 ans, j’ai trouvé magnifique de se voir reflété sur une feuille de papier. Cette image m’a bouleversé et a décidé de mon destin ».
La voie est claire et il décide de faire des études à l’école des Beaux-Arts à Lima. Une fois sorti de l’école, Mako gagne sa place dans les circuits artistiques du grand capital. Il se fait remarquer rapidement dans le monde du street art et des affiches décolles où il arrive à exprimer ses sujets principaux d’inspiration que sont l’être humain et la nature.
La vie d’artiste de Mako commence à décoller, les expositions individuelles et collectives se suivent, mais tout prends un sens différent quand connais une jeune stagiaire française en géographie installée au Pérou. La chimie entre le deux est évidente et après plusieurs mois de vie commune, elle lui annonce son retour imminent en France. Mako est confronté à prendre une grande décision : laisser partir la femme de sa vie ou la suivre et recommencer à zéro dans un autre pays. Le risque est grand, car en suivant ce que le cœur lui dicte, il pourrait perdre son autre grand amour, la peinture.
Dans la campagne autour de Limoges, le jeune couple trouve un endroit pour continuer son histoire d’amour. La famille française lui offre un chaleureux accueil et tout son soutien. Mako est tellement captivé par le sentiment de s’installer dans un nouveau pays, qu’il n’a pas le temps de penser à son avenir comme artiste en France. Une fois l’euphorie passée, le jeune artiste commence à sentir le manque du pinceau entre ses mains , il regrette l’odeur de la peinture fraîche et voudrait exprimer ses nouveaux sentiments sur la toile.
« J’avais énormément envie de peintre la nature qui avait captivé Monet et savoir qu’il avait séjourné dans cette région m’a servi d’inspiration. Je suis tombé amoureux de la nature autour de moi ». Pour laisser couler son inspiration, l’artiste a pris des morceaux de bois, carottes de granit, feuilles de papier entre autres. Tout matériau trouvé dans la campagne et à la maison est pris comme support important pour travailler. En quelques jours la maison se transforme en un atelier.
Lien d'amitié
Au début, les premiers admirateurs et promoteurs des peintures de Mako ont été la famille de sa compagne. Ce sont eux, qui ont commencé à parler de lui aux voisins et aux amis. Les oeuvres colorées de Mako, sa façon de réinterpréter la nature et d’exprimer ses souvenirs du Pérou captive. La curiosité de découvrir cet artiste venu de très loin s’installe dans toute la Creuse.
Bientôt, Mako inonde la campagne avec des peintures murales sur des bâtiments agricoles. Il attire l’attention des autres artistes de la région qui lui demandent d’initier des collaborations et grâce à ces contacts, diverses galeries à Limoges s’intéressent à cette nouvelle proposition artistique. Les médias locaux aussi. Mako est un sujet de reportage à la télévision et son nom commence à être connu hors de la ville.
Dans ces premières années à Limoges Mako rencontre Daniel Aubin, président de la galerie associative « L’Escale » de l’Île d’Oléron qui nous dit qu’il a trouvé les peintures de l’artiste sublimes, mais aussi qu’il a apprécié sa personnalité. « D’abord, c’ est une personne très gentille avec beaucoup d’enthousiasme. Côté artiste, il a une connaissance très profonde de toutes les techniques de travail artistique, surtout l’huile. Il apporte beaucoup de la peinture classique avec lui, mais il est capable d’utiliser toutes les techniques et c’est une chose très importante pour un artiste ». Dans la galerie d’Aubin plusieurs tableaux de l’artiste ont été exposés et ont permis au public de se connecter avec la proposition artistique de Mako.
« Il est un artiste qui peint ce qui se trouve autour de lui avec une grande sincérité, car il ne pense pas à l’argent ou à faire ce qu’on lui demande , il pense à s’exprimer et ça je crois que le public le sent . Mako n’est pas quelqu’un d’ordinaire. Il a une dimension qui dépasse largement d’autres artistes qui cherchent à vendre ».
Les premières années du début de sa carrière en France, l’artiste péruvien se voit confier l’organisation d’expos d’art contemporain à Limoges et ailleurs , diverses écoles et instituts d’art font appel à lui pour la réalisation d’ateliers créatifs. « Ma façon de peindre arrivait dans la région dans un moment de recherche de nouveaux talents. Mes toiles offrent un style que j’appelle « figuratif exotique » et je crois que ça arrive parce que je ne peins pas comme quelqu’un originaire d’ici qui y a vécu toute sa vie . »
Laisser la vie à l'Art
Sans l’imaginer ou le planifier, Mako arrive à développer son art hors du Pérou. Les gens ont accepté son style artistique et ont apprécié aussi, son intérêt de travailler avec d’autres artistes de la région. Il croit dans le travail collaboratif, l’échange des expériences à travers l’art. Ces dernières années, il a impulsé l’inclusion de divers artistes latino-américains qui habitent en France dans plusieurs expositions collectives dans la région. « Promouvoir un dialogue artistique entre artistes est très important pour notre propre évolution », dit-il.
Aujourd’hui, Mako et sa famille, ont laissé la campagne pour s’installer dans le centre-ville de Limoges. L’artiste a un grand atelier où depuis quelques mois il a commencé à travailler des peintures en grand format. Ses tableaux sont achetés par des collectionneurs et pour cela il compte avec l’aide d’un marchand d’art. Les sujets de ses peintures sont toujours liés à la condition humaine, l’amour, la mort, mais dernièrement liés aussi à la situation sociale qui frappe la France et le Pérou.
Il représente des évènements avec un style plus abstrait, avec des traits de pinceau plus durs, plus brusques, mais sans abandonner l’inclusion de la couleur. Une de ces peintures a fait référence à la mort de 40 manifestants au sud du Pérou comme résultat d’une forte répression policière à la fin de 2022. Ces victimes ont été des gens de la campagne, des étudiants, des Indiens qui demandaient le changement de la constitution, du parlement et appelaient à de nouvelles élections présidentielles.
« J’ai eu besoin d’exprimer la difficile situation sociale au Pérou, de rendre visible le niveau de violence que les gens vivent là-bas. Au début le public français ne comprenait pas ces derniers tableaux, très sombres. Mais une fois qu’il a eu connaissance des événements , il a bien pris cette nouvelle proposition artistique ». Si le public français a accueilli le Mako d’aujourd’hui, les critiques d’art péruvien ont été plus durs et très sceptiques face à son évolution.
« Je crois que le public péruvien a été énervé que je rende visible la violence perpétuée dans le pays. Les gens ne voulaient pas parler des personnes tuées pendant une manifestation. Ils n’aiment pas voir leur reflet et mes peintures ne sont pas directes, mais elles te font réfléchir. En France, il y a eu des gens qui ont été troublés (ou mal à l’aise) par cette façon de peindre, mais il y en a eu d’autres qui ont trouvés une forme de libération dans la couleur et les formes ».
Des nouveaux projets
Le nom de Mako continue à sonner sur d’autres communes. Fin juillet début août, il à présente une exposition individuelle au «Les rendez-vous de la Chapelle » au Dorat. Cet espace associatif culturel est géré par deux passionnés de l’art qui ont acheté et restauré l’ancienne chapelle «Notre Dame du Temple » pour la convertir en une grande salle d’exposition d’échange et de promotion artistique. C’est dans cet endroit en charge d’histoire que Mako à place des tableaux en grands formats. « Je suis très content d’avoir cette opportunité et de travailler dans un lieu très spécial. Pour cette exposition avec comme titre « Âmes, tout cet amour indemne » je reviens sur des sujets liés au sacré et au spirituel ».
Aurélie Hurel-Michelet, l’une des propriétaires de la chapelle nous fait partager son enthousiasme pour la rencontre avec le peintre péruvien. Elle est une admiratrice du travail de Mako et aussi de sa personnalité. « Sa peinture a une force, une énergie et un caractère très puissant. Ses palettes de couleur sont très vives, très joyeuses tellement qu’à certains moments elles me font penser au fauvisme. En dehors de son travail, Mako est une personne très généreuse, il est prêt à inviter un autre artiste dans son atelier et c’est quelque chose de naturel, de spontané pour lui ».
L’année 2023 se présente comme un temps chargé de nouveaux projets pour Mako et aussi de nouvelles recherches artistiques. Son constant instinct de transition et d’apprentissage se voit reflété dans ses tableaux. Personnellement, je suis très fière de lui pour tout ce qu’il a conquis sur le plan artistique et personnel. La meilleure leçon de vie que j’ai retenue de Mako est d’être sincère avec soi même.