Dans une ville pittoresque, et historique du sud-ouest de la France, l’héritage des ancêtres péruviens est protégé et valorisé par une communauté qui, depuis le milieu du XIXe siècle, avoue admirer l’ancien Pérou. La ville d’Auch, où furent établis les duchés français les plus marquants et les plus influents historiquement présente une exposition ambitieuse qui met à l’honneur la culture Vicús.
Dans la ville d’Auch, se trouve le Musée des Amériques- Auch, anciennement Musée des Jacobins, classé parmi les plus anciens espaces muséaux de France (créé en 1793) et qui abrite la deuxième plus grande collection d’art précolombien au monde, après le musée du quai Branly à Paris. Le musée compte environ 20 000 objets répartis en cinq grandes collections : antiquités égyptiennes et gallo-romaines, art médiéval, art précolombien, art sacré latino-américain et art décoratif.
Cet ancien couvent religieux qui date du début du XVe siècle, transformé plus tard en musée reçoit environ 12 000 visiteurs par an. L’exposition Le mystère Vicús. Les esprits de la terre, est présentée jusqu’au 31 décembre 2023. Elle rassemble près de 80 pièces de céramique dont des vases et vases funéraires rituels, ainsi que des objets en or, argent et cuivre. Toutes ont été soigneusement placées dans des espaces créés notamment pour mettre en valeur leur beauté et l’histoire qu’elles contiennent.
Admirateurs de l'art précolombien
Au milieu du XIXe siècle, certains Auscitains décident de partir en Amérique Latine pour faire fortune. L’un d’eux, Guillaume Pujos, a été contraint de quitter sa ville après qu’une maladie ait attaqué son domaine viticole. Déterminé à récupérer ce qui avait été perdu, il se dirigea vers le Pérou et le Chili, et en parcourant les deux pays, il commença à constituer une collection d’objets précolombiens. De retour à Auch, il fait don de l’intégralité de sa collection au Musée des Jacobins pour après en devenir le conservateur. La donation fut présentée au public en 1911 et, dès lors, diverses collections conservées dans différents musées de France furent rassemblées dans un seul espace : celui aujourd’hui connu sous le nom de Musée des Amériques-Auch.
En 2006, ce musée a reçu une importante donation de la famille des Lions, originaire de Saint-Tropez, qui lui a cédé une grande partie de sa collection d’art précolombien constituée lors de nombreux voyages et séjours au Pérou et au Brésil. Il y avait six mille pièces parmi lesquelles des tissus, des céramiques, des sculptures en bois, des objets en ferronnerie, des ornements en or, argent et cuivre et des éléments décorés de plumes.
Au total, cette institution possède plus de 7 500 objets qui en font la deuxième plus grande collection publique d’art précolombien de France. Compte tenu de cet important trésor de l’histoire en Amérique latine, le musée a décidé d’organiser une exposition qui cherche à faire l’éloge d’une des cultures de l’ancien Pérou peu connue en France, comme celle des Vicús.
Au-delà des Incas
La culture vicús s’est développée dans les vallées de la côte de Piura, entre les années 200 avant JC. et 400 après JC environ. Le nom de Vicus a été donné en l’honneur de la colline de Vicús, l’un des sièges administratifs où se situe sa nécropole. Cette culture a été découverte dans les années 1960. La vaste collection du Musée des Amériques-Auch est constituée principalement d’objets provenant du Pérou, c’est pourquoi l’équipe de conservateurs du musée a décidé de faire connaître au public français l’évolution de la culture Vicús.
« Notre grand défi était de présenter une culture différente de celle des Incas. Le Pérou est un pays extrêmement riche en termes de développement de diverses cultures précédant l’Inca ; Le rôle du musée est de mettre en lumière une société comme Vicús, peu connue en France, et qui expose des objets d’une grande symbolique », commente Fabien Ferrer-Joly, commissaire et commissaire de l’exposition en exclusivité pour Le Lama Amoureux.
Bien que dans le monde entier, le Pérou soit surtout connu pour l’Empire Inca dont l’icône principale est le Machu Picchu, il est compréhensible que la culture Vicús passe quelque peu inaperçue auprès du grand public étranger. Partant de là, l’équipe du musée décide d’effectuer des recherches bibliographiques sur l’évolution de cette civilisation puis de transférer toutes ces informations dans les salles d’exposition.
Monsieur Ferrer-Joly, commissaire de l’exposition, nous raconte qu’à la suite de cette recherche, il a été émerveillé par la relation étroite des Vicús avec la terre, représentée sur leurs verres. « Les Incas dominaient la création d’objets, comme une sorte de standardisation de la céramique et du tissage. Quand on admire la céramique de Vicús, on peut apprécier la libre expression de toutes leurs croyances, en plus de comprendre le rôle particulier du chaman dans leur société.
Le mystère Vicús
Cette admiration pour la céramique Vicús s’exprime dans sept salles décorées de manière particulière pour que le visiteur soit enfermé dans la conception du monde Vicús. Pour obtenir cet effet, l’équipe de muséographie a décidé de jouer avec les lumières et les ombres des objets, cherchant à créer un effet comme s’ils sortaient des murs. Le tout est nuancé par une ambiance musicale qui hypnotise le visiteur dès son entrée. L’important selon monsieur Ferrer-Joly était de « rendre hommage » aux objets et de « ne pas leur nuire » avec une scénographie chargée.
« Nous avons décidé d’appeler l’exposition « Le mystère Vicús. Les Esprits de la Terre » justement pour parler d’une culture qui s’est révélée au monde tardivement, dans les années 60. L’objectif n’était pas de réaliser une exposition archéologique, mais de faire parler les objets. Nous avons créé un environnement inclusif qui invite le public à découvrir le monde Vicús. Par exemple, dans certaines salles, nous avons intégré une bande sonore avec des chants chamaniques », souligne monsieur Ferrer-Joly, fier du travail réalisé par toute l’équipe d’un musée au budget modeste par rapport à celui d’ autres musées de la capitale française.
Le commissaire nous confie que l’incertitude l’a envahi, ne sachant pas comment le public d’Auch et des environs recevrait une exposition qui parle d’une culture peu connue en dehors du Pérou. Cependant, sa surprise fut grande lorsqu’il fut témoin de l’intérêt des visiteurs pour le mystère contenu dans les différentes céramiques de Vicús qui représentent un mode de vie, la faune locale, le rapport avec la terre et la spiritualité. « Cela s’est révélé une belle surprise, le public adore l’exposition et apprécie de découvrir une autre culture péruvienne. Être témoin de cette rencontre est merveilleux ».
Échange culturel
L’enthousiasme de monsieur Ferrer-Joly pour la réalisation de cette exposition est évident et on ne pouvait s’empêcher de lui demander, parmi toutes les pièces présentes, laquelle était sa préférée. Aux yeux de l’ archéologue, ils ont tous une beauté unique et particulière, mais il décide de nous parler de la pièce intitulée « verre avec une poignée en forme de pont en forme de main ». Le mysticisme que contient cette pièce l’interpelle.
« Dans la dernière salle de l’exposition, volontairement moins éclairée, cette main apparaît au milieu de l’obscurité, projetant une force incroyable. Les objets qui l’entourent veulent nous faire entrer dans l’imaginaire du chaman et de ses cérémonies spirituelles. Le visiteur a l’impression d’entrer dans cet univers et de participer aux cérémonies ».
L’archéologue et commissaire de l’exposition se projette et partage avec nous son intérêt à continuer à présenter à Auch des expositions d’autres cultures péruviennes anciennes. « J’adorerais faire une exposition sur la culture Chavín ou la culture Cupisnique. Le Pérou concentre une incroyable richesse de cultures anciennes que j’aimerais faire connaître au public français. Nous allons chercher à développer une relation plus solide avec le Pérou pour que cela soit possible ».
Alors que ce souhait se réalise !
Auch devient ainsi la première ville de France à consacrer une exposition à la culture Vicús qui existait dans le nord du Pérou il y a plus de 2 000 mille ans. Cela ouvre en même temps la voie à la reconnaissance et à l’admiration des mystères des autres cultures anciennes du Pérou à l’étranger. Nous sommes très fiers que la France puisse connaitre une culture ancienne comme la culture Vicus.